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et il ne pouvoit s’empêcher de dire à tout bout de champ qu’il ne faisoit rien de naturel, qu’il n’avoit point de génie. Il lui faisoit entendre, sans faire semblant de rien, que si les pots dans lesquels il lui enverroit cet aigre de cèdre étoient bleus et blancs, ils lui plairoient davantage.

Il écrivit jusqu’à huit lettres pendant qu’on imprimoit ses vers latins, pour faire qu’un placard de deux petits anges qui se baisoient pût se rencontrer à la fin. Il a eu aussi une bonne fantaisie de faire imprimer ces vers-là en petit, croyant que le monde souhaitoit cela avec passion. M. Conrart lui manda que Courbé étoit disposé à le satisfaire ; mais qu’il étoit obligé de lui mander que ses vers ne se vendroient point in-quarto, et qu’on n’en avoit vendu qu’un seul exemplaire. Balzac répondit en ces mots : « Si j’étois aussi amoureux de la gloire que je l’ai été autrefois, votre lettre me seroit une grande mortification. » Il fallut pourtant faire cette impression en petit ; il se consola en voyant Editio seconda. Il a fait mettre au commencement que le libraire l’a voulu absolument. Il vouloit obliger Ménage à dire plus de choses à sa louange dans l’épître qu’il fit à la reine de Suède, en lui dédiant les vers latins de Balzac. Il y a au bout de ce livre ce qu’il appelle liber adoptivus, sans expliquer que ce sont diverses pièces d’auteurs, ou qu’il ne connoît point, ou dont il dissimule le nom. Il n’a pourtant pas mal fait, car il n’y a guère que cela de bon dans son livre.

Il eut une plaisante curiosité dans l’impression de ses discours ; il n’y a pas une ligne qui ne soit finie par un mot entier ; il n’y a jamais de mot coupé en deux.

La reine de Suède dit à Chanut, notre résident,