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si sage, cet homme qui a tant de vertus, s’avise de faire une lâcheté, où personne ne l’a imité, non pas même Costar : il signe en écrivant au cardinal Mazarin : « De Votre Éminence le très-humble, très-obéissant et très-obligé serviteur et pensionnaire. »

Lionne, ami de Chapelain, avoit fait donner à Balzac une pension de cinq cents écus, dont il fut fort mal payé à la fin. Il faut bien manquer de cœur pour faire une bassesse comme celle-là, lui qui avoit de quoi vivre, et qui a tant de soin de faire savoir dans ses lettres familières qu’il avoit quatre chevaux de carrosse. Avec tout ce raffinement de lâcheté, il ne put pourtant avoir pour sa sœur de campagne la récompense de la lieutenance aux gardes de son neveu, qui fut tué à Lens avec le maréchal de Gassion. La solitude, où l’on n’a que soi pour objet, où l’on ne se compare avec personne, avoit gâté cet esprit, qui déjà n’étoit que trop plein de lui-même.

Les juste-au-corps lui ayant semblé commodes, il en avoit de toutes façons, de treillis[1], de tabis[2], de bleus et d’incarnats.

Il a des visions jusques aux moindres petites choses : il demanda de l’aigre de cèdre[3] à M. Conrart, qui étoit devenu son commissionnaire après M. Chapelain ; car il y eut je ne sais quoi entre M. Chapelain et lui,

  1. Treillis, toile fine d’Allemagne, lustrée et satinée, dont en petit deuil on faisoit le dessus du pourpoint. (Dict. de Trévoux.)
  2. Tabis, gros taffetas ondulé par l’application d’un cylindre sur lequel des ondes étoient gravées. (Dict. de Trévoux.)
  3. Aigre de cèdre, liqueur composée de jus de citron, de limon et de cédrat, qui, mêlée avec de l’eau et du sucre, fait une boisson très-agréable. (Dict. de Trévoux.)