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d’autrui. Cette préface est fort bien écrite, car quand il écrit sous le nom d’autrui, il ne cherche pas midi à quatorze heures, comme il fait quelquefois lorsqu’il ne se déguise point. Ces lettres choisies n’étoient pas autrement choisies, je crois, que, hors les lettres à M. Chapelain, qu’il appeloit ad Atticum[1], et qui ont été données après sa mort, il ne lui en restoit pas une après ces deux derniers tomes. Pour faire tout valoir, il feint d’avoir écrit des lettres qu’il n’a jamais écrites : tel qui n’en a jamais reçu qu’une de lui en trouve trois ou quatre qui lui sont adressées. Il y en a une quantité à je ne sais combien de révérends Pères dont on n’a jamais ouï parler. Pérapède, Du Bure et un tas de sots y sont loués, et il écrit, dit-il, à tous ces gens-là le cœur sur le papier.

Les louanges lui étoient bonnes de quelque part qu’elles vinssent, et jamais il n’étoit assez paranymphé[2] à sa fantaisie. Voiture, Conrart et d’autres montoient sur des échasses pour le louer ; vous diriez qu’ils se vont rompre le cou à tout bout de champ, tant ils font de rudes cascades.

Dans une de ses lettres, il y a une plaisante vanité, car si jamais il y eût un animal gloriæ[3], c’est celui-ci : « Quand vous me donneriez, dit-il, autant de terre

  1. Il y a tant d’étoiles, qu’un goguenard disoit que c’étoit le firmament. Ce n’est pas grand’chose. (T.)
  2. Paranymphé, loué. Cette expression étoit empruntée du paranymphe, ou discours solennel qui se prononçoit à la fin de chaque licence dans les facultés de théologie et de médecine, dans lequel le licencié adressoit des compliments, ou le plus souvent des épigrammes aux autres licenciés. (Voyez le Dict. de Trévoux.)
  3. La gloire personnifiée en bête brute.