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que pour avoir trop envie de plaire, et le cardinal se fût fait honneur en lui donnant un évêché. Cela fut cause que Balzac se retira à Balzac, où il demeura presque toujours.

Le cardinal ne fut pas plus tôt mort, que, sans considérer qu’il lui avoit donné tant de louanges, il fit une grande pièce à la Reine où il disoit bien des choses contre lui. C’est une des moindres pièces qu’il ait faites. Maynard, qui est son ami Ménandre, à qui il adresse tant d’Entretiens, en fit tout de même en vers ; car le cardinal n’avoit rien fait pour lui, il le trouvoit trop cagnard[1]. Sans doute le cardinal de Richelieu eut tort de ne donner à Balzac qu’une misérable pension qui finit avec lui. Je ne pense pas qu’il crût ce dont Théophile l’accuse dans une lettre ; je ne dis pas seulement l’amour des garçons, mais même le larcin qu’il lui reproche d’avoir fait au gendre du docteur Baudius, en Hollande. On ne peut pas dire que Balzac n’ait vécu moralement bien ; mais, outre ce que j’ai marqué, le cardinal, comme nous avons dit ailleurs, n’estimoit guère la prose.

Au commencement de la régence, après ses discours, dont quelques-uns sont dédiés à madame de Rambouillet, à qui il parle comme à une personne familière, et il ne l’a jamais vue ; depuis, il l’a connue par lettres seulement, il fit imprimer deux volumes de Lettres choisies, où il a mis une préface qu’il feint être de M. Girard, théologal d’Angoulême, son ami : il a fait cette feinte pour se louer tout à son aise, sous le nom

  1. Cagnards, gens aimant leurs foyers. Hauteroche, cité dans le Dictionnaire comique de Le Roux.