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Pour reprendre où nous en étions, Ogier, surnommé le Danois, frère du prédicateur, étant en Danemark avec feu M. d’Avaux, s’avisa, pour se divertir, d’écrire à Balzac que la cour du roi de Danemark, où il y avoit beaucoup de gens de qualité qui savoient le français, s’étant partagée pour Balzac et pour le père Goulu, le Roi, dans une assemblée célèbre de tous ceux qui étudioient notre langue, avoit jugé en faveur de Balzac. Notre homme prit cela pour argent comptant, et dans ses Entretiens il en parle de cette sorte : « Nous recevons, dit-il, des lettres dorées datées de Constantinople ; on nous estime en Grèce et en Orient, aux dernières parties du septentrion, sur le rivage de la mer Baltique. Pour répondre en un mot à tant de choses, je souffre où je suis, on m’estime où je ne suis pas. Peut-être que j’avois la fièvre le jour que le Roi de Danemark jugea en ma faveur la cause qui fut plaidée devant lui à Copenhague ; comme au contraire il se peut faire que j’étois à l’ombre et prenois le frais le jour que le marquis d’Ayetonne brûla mon livre[1] dans un conseil qui fut tenu à Bruxelles. »

Ce livre fut aussi brûlé en Angleterre. On m’a dit qu’il y eut des Anglais assez zélés pour la mémoire de la reine Élisabeth, pour avoir eu la pensée de venir en France donner des coups de bâton à Balzac.

Le cardinal de Richelieu fut choqué de ce qu’il louoit trop de gens ; il disoit que c’étoit l’élogiste général. Le cardinal de Richelieu ne fit rien pour lui, et en cela il eut tort, car cet homme n’avoit péché

  1. Le Prince. (T.)