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teur[1], chez qui il logea une fois à Angoulême, lui dit que Balzac n’étoit point profond : il a eu beau écrire bien des lettres latines, et faire un gros recueil de vers latins dont il se seroit bien passé ; il a eu beau écrire contre Heinsius, tout cela n’a pas effacé la première impression que les lettres de Goulu ont donnée de lui. Ce même homme ajoutoit que quelquefois ayant été à Balzac pour quelque festin, le valet de M. de Balzac lui avoit fait voir son maître composant ; mais c’étoit, disoit-il, une plaisante chose à voir que ses grimaces.

On trouve, dans ce qu’il a fait depuis l’Apologie, bien des grotesques ; cependant il plaît toujours : il n’y eut jamais une plus belle imagination. Il a l’oreille fine ; il ne manque jamais à mettre les choses en grâce ; mais on pouvoit mieux savoir le fin de la langue qu’il ne le savoit. Ses derniers ouvrages ne sont pas si exactement écrits, pour le langage même, que les premiers, et il prend quelquefois la liberté de mettre un etc., tout comme feroit un notaire.

Le Barbon a fait voir bien clairement que le bonhomme avoit de la peine à lier les choses, car ce livret est plein de lacunes. Il nous a fait accroire que c’étoit les ruines de son cabinet, et, au lieu de les réparer, il nous donne lui-même ses fragments. Sur la fin il n’ose plus faire de lettres ; il les déguise en Entretiens, et souvent il fait semblant de vuider ses tablettes et parle de lui-même fort avantageusement en tierce personne en plusieurs endroits de ce livre.

  1. On lit traiteur au manuscrit. Il faut prendre ce mot dans le sens de traitant.