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les alliés et confédérés du prince des Feuilles. C’est une des plus jolies choses qu’il ait faites.

Le père Goulu s’étoit nommé Philarque, voulant dire général des Feuillants ; et l’autre malicieusement traduisoit à la lettre Prince des Feuilles. Enfin, cela alla si avant qu’Ogier le prédicateur, son ami, entreprit de faire son apologie. Il y en avoit déjà cinq ou six feuilles d’imprimées. Gomberville m’a dit qu’il les avoit, quand Balzac, arrivant ici, ne trouva point cela à sa fantaisie : il défit tout le discours, et ne se servit que de la matière. Cela n’avoit garde de ne pas réussir, car Ogier est fort capable de choisir bien ses matériaux, et Balzac de faire fort bien le discours ; aussi est-ce une des plus belles pièces que nous ayons. Ogier a voulu soutenir qu’il avoit tout fait ; mais il a été assez bon pour imprimer d’autres ouvrages, et il ne faut que conférer ; et puis, pour peu qu’on s’y connoisse, on voit bien qu’autre que Balzac ne peut avoir fait cette apologie. Le Prince avoit grand besoin d’Ogier, car c’est le plus pauvre dessein d’ouvrage qu’on ait jamais vu, et il n’est beau que par endroits.

Depuis, il changea, comme j’ai dit, de façon d’écrire, pour montrer qu’il n’étoit pas ignorant, comme on lui avoit reproché[1] ; mais en récompense, il est ferré en quelques endroits, et cette affectation d’érudition n’est que trop souvent désagréable ; cependant vous ne sauriez ôter de la tête à la plupart des gens que Balzac n’étoit point savant. Frémont m’a dit qu’un trai-

  1. Dans tous les volumes qu’on a imprimés de lui, il y a toujours quelque chose de ces accusations ; cela lui tenoit terriblement au cœur. (T.)