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Quand cet homme eut achevé : « Voilà, dit-il, en se tournant vers les ecclésiastiques qui le suivoient, voilà haranguer cela ; » et se mit à leur remarquer toutes les parties de l’oraison : « voilà haranguer, cela, et non pas vous autres, qui manquez en ceci, en cela, et qui ne parlez qu’à la bonne chère. » Il ne la faisoit pourtant pas mauvaise, la chère, à Gaillon. Il avoit toutes ses heures réglées pour ses occupations sérieuses et pour ses divertissemens. Il recevoit des nouvelles de tous les endroits de l’Europe. Il avoit musique, et n’étoit jamais sans quelques gens de lettres.

Sur la fin, il se laissoit si fort gouverner à je ne sais quelle femme qui étoit sa ménagère, qu’il commençoit à l’incommoder, et elle à s’accommoder très-fort. Enfin, on le fit résoudre à donner son archevêché à son neveu Chanvallon, qui étoit déjà son coadjuteur ; il le fit, et mourut bientôt après. Son successeur ne lui en doit guère pour l’éloquence[1]. Patru, qui l’a entendu prêcher, dit qu’il n’a admiré qu’une chose en lui, c’est comme il peut retenir par cœur tout ce qu’il dit, car il n’y a ni pied ni tête à son discours, et il récite tout cela avec une insolence qui n’est pas imaginable. Il avoit écrit sur la porte de Gaillon : Legem non observabo, sed adimplebo.

  1. Harlay de Chanvallon, archevêque de Rouen, devint archevêque de Paris en 1671. Il mourut en 1695.