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Madame Des Loges disoit de l’archevêque de Rouen que c’étoit une bibliothèque renversée ; mais il n’y a rien qui représente mieux l’humeur de cet homme que le sonnet acrostiche de ce fou de Dulot[1].

SONNET
Où le poète royal et archiépiscopal Dulot fait bouffonner monseigneur l’archevêque de Rouen dans toute l’étendue de son acrostiche.

Franc de haine, d’amour, ris, pleurs, espoir et crainte,
Rentrons au cabinet et lisons saint Thomas.
Apporte-moi, laquais, de tout ce grand amas,
Nicolas de Lira, Pline et la Bible sainte.
Certes, le trait est bon, ma chandelle est éteinte.
Oh ! oh ! dedans si peu, vraiment trompé tu m’as.
Ici du feu, mes gens, ma robe de Damas.
Six heures ont sonné, disons prime en contrainte.
Dieu ! que j’ai mal au cœur ! qu’on m’apporte du vin.
Entre ce qu’aujourd’hui j’ai lu de plus divin,
Hilaire de Poitiers m’a ravi par sa plume.
Aristote est là faux : voyez, ce papillon
Rouanne à nos flambeaux comme c’est sa coutume.
Le trait est excellent ! avalons ce bouillon.
Apprête les chevaux, cocher. Le beau volume !
Irénée est charmant, retournons à Gaillon.

Il y avoit pourtant du bon en ce mirifique prélat ; il étoit bon homme, franc et sincère ; mais jamais il n’eut un grain de cervelle.

Une fois qu’il fit quelque entrée à Dieppe, le ministre du lieu le harangua et lui plut extrêmement.

  1. Dulot, inventeur des bouts-rimés, n’est guère connu que par le poème de Sarrasin, intitulé : Dulot vaincu, ou la Défaite des bouts-rimés, badinage ingénieux d’un poète très-spirituel.