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LE FEU ARCHEVÊQUE DE ROUEN.


François de Harlay, archevêque de Rouen[1], étoit fils de ce M. de Chanvallon, qui fut le plus célèbre galant de la reine Marguerite. Ce M. de Chanvallon, persuadé du mérite du marquis de Bréval[2] et de l’archevêque de Rouen, ses enfants, disoit en parlant de la cour : « Je leur ai donné des hommes : que ne s’en servent-ils ? »

M. de Bréval s’est plus piqué de lettres que de guerre ; il avoit traduit Tacite ; mais il eut bien de la peine à trouver qui le voulut imprimer, car on savoit déjà que d’Ablancourt y travailloit ; ce fut ce qui le fit hâter : ce livre ne s’est point vendu.

Pour M. de Rouen, il n’y eut jamais un plus grand galimatias. On écrivit sur un de ses livres : Fiat lux, et lux facta non est. Il avoit envoyé un de ses livres manuscrits à quelqu’un pour lui en dire son avis. Cet homme avoit mis en un endroit à la marge : « Je n’entends point ceci. » M. de Rouen ne se souvint pas d’effacer l’observation, et l’imprimeur l’imprima. Cela faisoit rire les gens de voir qu’à la marge d’un livre il y eût : Je n’entends point ceci, car il sembloit que ce fût l’auteur lui-même qui l’eût dit.

  1. Né en 1585, mort en 1653.
  2. Achille de Harlai, marquis de Bréval, seigneur de Chanvallon, mourut le 3 novembre 1657.