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Elle avoit trois sœurs, toutes bien faites. La cadette étoit fille, et le[1] sera toujours à la mode de sa sœur ; elle est gâtée de petite vérole ; mais elle ne laisse pas que d’être bonne robe[2].

Madame de la Montagne, qui étoit l’aînée, étoit si sotte que de dire comme on dit proverbialement : « Si nous sommes pauvres, nous avons l’honneur. » Cependant M. de Moret se pensa rompre une fois le cou en montant avec une échelle de corde à une chambre, au troisième étage, où elle lui avoit donné rendez-vous. Son autre aînée fut mariée à Maugeron, qui a quelque charge à l’artillerie[3], et qui logeoit à l’Arsenal. Le grand-maître, aujourd’hui M. le maréchal de La Meilleraye, durant son veuvage, en devint amoureux. On dit que lui ayant prêté des pendants d’oreille de diamants, le lendemain, comme elle les lui vouloit rendre, il la pria de les garder, et après la pressa de

    de Marion de l’Orme jusqu’à l’âge de cent trente-quatre ans, et la fait mourir à Paris, sur la paroisse Saint-Paul en 1741 ; ainsi disparoît l’assistance de Marion à son propre enterrement, ses trois mariages, tant en Angleterre qu’en France ; enfin toutes ces bizarres aventures racontées dans une pièce facétieuse intitulée : Lettre de Marion de l’Orme aux auteurs du Journal de Paris, imprimée dans le Recueil de pièces intéressantes pour servir à l’histoire des règnes de Louis XIII et de Louis XIV, publié en 1781, par Delaborde. Toutes les biographies ont répété ce roman à l’appui duquel on n’a pu cependant citer le témoignage d’aucun contemporain.

  1. On lit dans le manuscrit de Tallemant : « La cadette étoit fille, et la sera toujours à la mode de sa sœur. » Ainsi Tallemant ne se soumettoit pas plus que madame de Sévigné à la règle de grammaire nouvellement introduite.
  2. Bonne robe, expression italienne ; buona ou bella roba se dit d’une femme, belle ou non, qui se conduit mal. (Dict. d’Alberti.)
  3. Il étoit trésorier de l’artillerie. (T.)