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mise dans un sérail. Chevry[1] étoit toujours son pis-aller, quand elle n’avoit personne.

Lorsqu’elle fut solliciter le feu président de Mesmes de faire sortir son frère Baye[2] de prison, où il avoit été mis pour dettes, il lui dit : « Eh ! mademoiselle, se peut-il que j’aie vécu jusqu’à cette heure sans vous avoir vue ? » Il la conduisit jusques à la porte de la rue, la mit en carrosse, et fit son affaire dès le jour même. Regardez ce que c’est : une autre, en faisant ce qu’elle faisoit, auroit déshonoré sa famille ; cependant comme on vivoit avec elle avec respect, dès qu’elle a été morte, on a laissé là tous ses parens, et on en faisoit quelque cas pour l’amour d’elle. Elle les défrayoit quasi tous.

Elle se confessa dix fois dans la maladie dont elle est morte, quoiqu’elle n’ait été malade que deux ou trois jours : elle avoit toujours quelque chose de nouveau à dire. On la vit morte durant vingt-quatre heures, sur son lit, avec une couronne de pucelle. Enfin, le curé de Saint-Gervais dit que cela étoit ridicule[3].

  1. Le président de Chevry, de la chambre des comptes. (Voyez plus haut son article, p. 261 du tome I.)
  2. Nom d’une terre du père. (T.)
  3. Ces détails, demeurés inconnus jusqu’à présent, confirment la mention faite par Loret (Muse historique, n° du 30 juin 1650), de la mort de Marion de l’Orme, en ces termes :

    La pauvre Marion de l’Orme,
    De si rare et plaisante forme,
    A laissé ravir au tombeau
    Son corps si charmant et si beau.

    Ainsi se trouve détruit le ridicule roman qui prolonge l’existence