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MARION DE L’ORME[1].


Marion de l’Orme étoit fille d’un homme qui avoit du bien, et si elle eût voulu se marier, elle eût eu vingt-cinq mille écus en mariage ; mais elle ne le voulut pas. C’étoit une belle personne, et d’une grande mine, et qui faisoit tout de bonne grâce ; elle n’avoit pas l’esprit vif, mais elle chantoit bien et jouoit bien du théorbe. Le nez lui rougissoit quelquefois, et pour cela elle se tenoit des matinées entières les pieds dans l’eau. Elle étoit magnifique, dépensière et naturellement lascive.

Elle avouoit qu’elle avoit eu inclination pour sept ou huit hommes et non davantage : Des Barreaux fut le premier, Rouville après ; il n’est pas pourtant trop beau : ce fut pour elle qu’il se battit contre La Ferté Senectère ; Miossens, à qui elle écrivit par une fantaisie qui lui prit de coucher avec lui ; Arnauld, M. le Grand[2], M. de Châtillon, et M. de Brissac.

Elle disoit que le cardinal de Richelieu lui avoit donné une fois un jonc de soixante pistoles qui venoit de madame d’Aiguillon. « Je regardois cela, disoit-

  1. Marion de l’Orme naquit à Châlons en Champagne, vers 1611 ; elle mourut au mois de juin 1650. (Voyez plus bas la note relative à sa mort, p. 143.)
  2. Cinq-Mars.