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Il seroit bien aise qu’on crût qu’il est fort bien dans l’esprit de la présidente, et il semble qu’il veuille qu’on y entende du mal, car il lit de ses lettres, et passe certains endroits.

Je ne doute point, quoique la présidente lui ait écrit des billets assez obligeants, que ce ne soit purement par vanité ce qu’elle en a fait : lui-même commence à se plaindre de ses inégalités. Des femmes moins hupées qu’elle s’en sont moquées.

Au retour, Bois-Robert, qui y avoit été deux mois avec quatre chevaux de carrosse, et Boileau, qui n’y avoit pas été moins, en faisoient des contes.

Boileau, qui veut s’ériger en petit Bois-Robert, alloit par les maisons pour jouer le président ; il disoit que madame de Toré le prenoit par-dessous la gorge, et lui disoit : « Que tu es pédant ! »

Toré et sa femme font lit à part ; cet homme lui envoya dire un soir qu’il ne pouvoit dormir, qu’il avoit des visions d’esprit, qu’elle vînt coucher avec lui. « Dites-lui, répondit-elle, que si j’y allois, je trouverois un corps qui m’incommoderoit fort. » Il ajoutoit, sans épargner Bois-Robert, avec lequel il faisoit profession d’amitié, que lui et le président se disoient toujours leurs vérités. Toré disoit à Bois-Robert : « Pour toi, tu ne te piques pas d’être honnête homme ; si tu l’étois, étant prêtre comme tu l’es, irois-tu faire le Trivelin comme tu fais ? »

Le petit Boileau alla un jour faire tous ces contes-là chez M. Laisné, conseiller de la grand’chambre, qui tient bon ordinaire et est un homme d’honneur. Ce bonhomme ne trouva cela nullement plaisant, et dit au petit avocat la première fois qu’il le rencontra :