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Bois-Robert se rendit à Tanlay. Le président devint bientôt jaloux de Boileau, dont la présidente se moque, sans doute ; car c’est un petit garçon, qui a tout l’air d’un écolier, et qui se prend pour un homme galant.

Le succès de ce qu’il a fait contre Ménage lui a donné tant de vanité, qu’il ne croit pas qu’il y ait au monde un si bel esprit que lui. À la vérité, ce qu’il a fait est plaisant ; mais la matière de soi étoit fort plaisante. C’est pourtant une étrange introduction dans le monde que d’y entrer par une médisance. Les gens n’ont pas été fâchés que Ménage eût trouvé son Ménage. Il veut faire des vers, ce petit monsieur, et il n’y est nullement né. Il a de l’esprit et du feu. Il dit une fois une plaisante chose à un de ses amis qui avoit un fort méchant chapeau, et qui s’excusoit en disant : « Mon chapelier m’a trompé. — Mais, lui dit-il, il y a deux ans qu’il vous a trompé. » Une autre fois, pour vous montrer qu’il n’est pas sûr de son bâton, il écrivit une lettre où, pour dire qu’il étoit reclus dans son cabinet, il disoit qu’il étoit un ermite du troisième étage, et qu’il voyoit des montagnes vertes dans son désert : c’étoient des tables de livres peintes de vert.

Madame de Vitry et madame de Maulny furent aussi quelque temps à Tanlay ; elles firent bien des caresses à Boileau ; cela l’a achevé. Au retour, il ne parloit que de grandes dames et que de la cour. Elles s’en divertissent, et lui pense que c’est tout de bon. Il est constant que M. de Maulny disoit à Boileau : « Voyez comme M. de Vitry est jaloux de vous ; » et que Vitry lui disoit : « Voyez ce pauvre M. de Maulny : vous lui mettez bien martel en tête. »