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et que la présidente pensoit se mettre au fond auprès de lui, sa folie le prend ; il lui dit qu’il ne vouloit pas qu’elle y allât. « Mais, monsieur, répondit-elle, vous m’avez fait envoyer toutes mes hardes, la maison de céans est démeublée. — Je ne veux pas que vous y veniez ; » et comme elle descendoit de carrosse, il lui donna deux coups de pied au cul. Il dit à Boileau : « Ne voulez-vous pas venir ? — Dieu m’en garde, vous m’assommeriez. » Aussitôt voilà une révolte générale du domestique : cocher, postillon, laquais, tout l’abandonne. Elle, qui vouloit qu’il s’en allât, fit si bien, car les gens disent tout haut que sans elle ils ne demeureroient pas dans la maison, que le cocher se résolut à mener le président. Un grand laquais servit de postillon, car le postillon ne voulut jamais, et un autre laquais le suivit ; il n’eut que cela pour tout train. La présidente, voyant beaucoup de témoins de dehors, car il y avoit assez de gens, rend sa plainte. Le président écrivit de Juvisy à sa femme et à Boileau ; et enfin, comme on le vit bien repentant, tous deux allèrent le trouver à Tanlay.

On a su par cette aventure que la dame avoit eu plusieurs fois sur son toquet ; mais elle prend patience, parce qu’en effet elle est la maîtresse ; lui se plaint de la dépense qu’elle fait, et elle sait qu’il dépense sans comparaison plus qu’elle, car il veut coucher avec madame de Maintenon et autres, et il lui en coûte son bon argent[1].

  1. Tallemant a écrit ce passage en 1659, il est superflu de faire observer que madame Scarron n’a fait l’acquisition de la terre de Maintenon qu’en 1674.