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pas, il le pousse et entre. Or, le président avoit convié trois ou quatre je ne sais qui à dîner ; que firent Bois-Robert et la présidente ? ils se mirent au passage, et escroquèrent les meilleurs plats.

Bois-Robert dit que Toré est si maladroit, que, voulant gourmer son cocher, il se gourmoit lui-même.

Depuis, il se remit bien avec sa femme ; puis il tomba en folie. Il vouloit qu’un homme d’affaires, nommé Béchamel, son allié et son voisin, coupât ses moustaches pour les lui donner, afin de les mettre comme des cornes, et il vouloit qu’on lui fît un haut-de-chausses rouge. Vers la Saint-Martin 1659, il devint plus fou que jamais : elle le tient à Tanlay, et par ordonnance des médecins, quatre valets, dès qu’il entre en bon accès, le fouettent dos et ventre. Ce qu’il y a de plus plaisant, c’est que ces mêmes valets, aussitôt qu’ils l’ont bien étrillé et qu’il est revenu, sont auprès de lui dans le plus grand respect du monde. Ses parents vouloient en être les maîtres ; mais le président Le Cogneux a maintenu sa sœur ; aussi, elle se venge des tourments qu’il lui a donnés. On dit qu’il a de longs intervalles, et que cela ne lui prend que comme la fièvre quarte, mais sans manquer ; de sorte qu’on l’enferme de bonne heure.

Il commença par son bailli, qu’il prit pour M. de La Vrillière, avec lequel il est en procès ; il se jeta sur cet homme et le voulut étrangler ; l’autre, voyant qu’il n’avoit plus de raison à lui, se mit à le battre de son côté, et, à force de coups, le fit rentrer en son bon sens. Une fois il pensa tuer sa femme d’une assiette qu’il lui jeta à la tête.