Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Toré lui dit : « Envoyez-la-moi, et je vous la renverrai avec mes observations, et si je n’y trouve rien à dire, faites-la imprimer hardiment. » L’autre est encore à la lui envoyer[1].

Toré a entrepris de grands procès contre M. de La Vrillière et contre Petit, le plus ridiculement du monde ; apparemment cela le fera retomber tout-à-fait dans sa folie : qu’il y prenne garde ! car si cela lui arrive, ses héritiers ne l’épargneront pas. Sa jalousie s’augmentant, il s’en alla cet été chez Montelon, l’avocat, où il y avoit une noce, et dit tout haut : « Monsieur, je viens vous demander conseil ; je ne sais ce que je dois faire de ma femme que je trouvai l’autre jour couchée avec son grand laquais. » Montelon lui fit des réprimandes, et Le Cogneux, qui le sut, lui alla dire : « S’il n’y avoit très-long-temps que vous passez pour fou, on vous feroit faire amende honorable à votre femme ; mais pourtant, contenez-vous, s’il vous plaît, car vous savez bien comment on traite les fous. »

Au printemps de 1659, sa femme et lui eurent un grand démêlé pour le bel appartement ; il le vouloit avoir, et cela alla si loin qu’il la chassa. Un jour que madame d’Emery étoit venue, de concert avec lui, pour les raccommoder, il lui prit une nouvelle vision : il défendit à son portier d’ouvrir à qui que ce soit qui demanderoit sa femme. Bois-Robert, qu’elle avoit mandé, y va ; le portier dit l’ordre de monsieur ; il s’arraisonne avec lui, et comme l’autre n’y songeoit

  1. Voyez les Œuvres posthumes de Gilles Boileau, publiées par Despréaux ; Paris, Barbin, 1670, p. 126 et 161.