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trouvèrent qu’il n’avoit pas dit un mot depuis, comme s’il n’étoit rien arrivé.

Il dort tous les soirs. L’année passée, à Tanlay, où il passe les vacations, Jeannin[1] les fut voir. Jeannin est coquet. Toré y prenoit un peu garde. Sa femme dit à Jeannin, en sa présence : « Encore faut-il que nous vous remerciions d’une chose, c’est que M. le président est sans comparaison plus éveillé depuis que vous êtes ici, qu’il n’étoit auparavant. » À propos de dormir, un jour Bois-Robert lui dit : « Monsieur le président, je vous viens de voir en votre lit de justice. — Eh bien ! dit le président. — En vérité, reprit l’abbé, vous ne dormiez pas, non, vous ne dormiez pas. » Voilà toute la louange qu’il lui donna.

Toré se pique de belles-lettres. Il disoit au petit Boileau[2] que la harangue de Patru à la reine de Suède ne valoit pas grand’chose : « Mais je vous veux, ajouta-t-il, montrer un poème que j’ai fait pour une histoire que je voulois faire ; il n’y a rien de plus beau au monde. » MM. Valois jugent encore plus mal de cette harangue, car ils disent qu’elle n’est point bien écrite, parce que le verbe n’est jamais à la fin.

Quand Boileau eut fait la lettre contre Conrart,

  1. C’est vraisemblablement Jeannin de Castille, trésorier de l’Épargne, du temps de Fouquet.
  2. Gilles Boileau a fait preuve de mauvais goût dans cette lettre, en rejetant les observations judicieuses de Conrart sur un sonnet adressé au premier président Pomponne de Bellièvre, qui commence par ce vers :

    Quand je te vois assis au trône de tes pères, etc.