Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chasser ? car je me trompe fort si je le suivrois. » Elle lui disoit une fois : « Voyez-vous, si vous faites du bruit, tout cela retombera sur vous ; laissez-moi vivre à ma fantaisie, et ne vous faites point connoître par votre femme. »

Une fois, qu’elle étoit revenue de la ville, il alla demander au cocher qui dételoit ses chevaux : « Cocher, d’où vient madame ? — Monsieur, répond le cocher, voilà le meilleur cheval que j’aie jamais vu. — Je demande d’où vient madame ? — Monsieur, il a toujours été à courbettes, il n’y en eut jamais un de même. — Ce n’est pas ce que je te demande. — Monsieur, il vaut cent écus. » Il n’en put jamais tirer autre chose. Elle a gagné tous ses gens, et ceux de son mari ; aussi elle se divertit sourdement, car je ne sais point de ses galanteries qui aient fait éclat. Elle est plaisante. Rambouillet[1], l’ami de l’abbé Testu, est un garçon doucereux qui tortille toujours, et qui fait cent façons pour approcher des gens. « Eh ! Monsieur, lui dit-elle, en le contrefaisant, avancez, avancez, nous n’en mourrons pas pour cette fois ; n’ayez pas peur de vous tuer tout du premier coup. »

Toré a fait cent extravagances à sa femme. Un jour que le comte Carle Broglio, Gentri et quelques autres jouoient avec elle, il n’étoit que sept heures du soir, ce maître-fou entre, jette l’argent par la place, et ôte les flambeaux de dessus la table : elle n’en fit que rire, et eux aussi. Ils se retirèrent pourtant, et envoyèrent le soir même savoir s’il ne l’avoit point battue ; ils

  1. Il s’est fourré à la cour et croit y réussir ; mais bien des gens s’en moquent. (T.)