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jeune, s’étoit couché sans pourpoint sur des chaises durant les chaleurs, dans la chambre de madame de Toré. La dame vint, et lui, en riant, lui alla sauter au cou : le mari arriva en ce moment-là, et se mit à coups de poing sur l’abbé, qui se sauva comme il put. M. d’Emery disoit : « Elle sera si sotte, qu’elle ne se divertira pas, et pourtant le fera croire à tout le monde. »

Durant la maladie dont mourut son père, il fit lever, à minuit, la serrure de la chambre de sa femme, pour voir s’il n’y avoit personne avec elle : le père le pensa enrager, et cela augmenta son mal. Toré fut si sot que de dire après la mort de son père : « C’est le plus damné des hommes : il a été deux fois surintendant, et laisse pour deux cent mille écus de dettes. » Il est vrai que depuis M. d’Effiat, c’étoit le surintendant qui, à proportion, laissoit le moins de bien ; mais il ne vouloit pas se tourmenter pour madame de La Vrillière, une bonne commère, et pour ce fou de fils. Il n’avoit rien épargné pour en faire quelque chose ; il avoit fait venir Blondel, le ministre, pour l’instruire ; cela n’avoit servi de rien.

La Rivière, aujourd’hui M. de Langres, dînant une fois chez M. d’Emery, comme on fut venu à parler de musique, dit, prenant Toré pour Berthod le châtré : « Vraiment, il nous sied bien de parler de cela devant M. Berthod[1]. » Toré ressemble à un gros châtré, et il n’a point d’enfants.

Durant les fronderies, madame de Toré disoit : « Mon Dieu, M. de Toré ne fera-t-il rien pour se faire

  1. Tallemant parle ailleurs du musicien Berthod ou Bertaut.