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épousé les deux sœurs, madame Garnier[1] et madame Le Camus, qui sont deux de Vouges, sœurs, ont mis de l’huile dans le feu, mais surtout la Galand. C’étoit une assez belle femme, mais un peu colosse, et toujours parée comme la foire Saint-Germain, qui faisoit la jolie quoiqu’elle eût l’air furieusement bourgeois, et l’esprit encore plus. Son mari n’en étoit pas trop le maître, et ne lui a jamais montré les dents que quand, averti du scandale que causoit un nommé Mazel, espèce de violon qui étoit son galant, il le chassa de chez lui, et donna quelque horion à la donzelle. On n’a jamais parlé que de celui-là.

On dit que cette acariâtre a tenu garnison quelquefois des quinze jours entiers dans la chambre de sa sœur, et n’alloit pas seulement à la messe de peur que le mari ne lui fît fermer la porte, et il lui est arrivé d’y faire mettre le pot-au-feu.

Durant ce divorce, Le Cogneux et quelques-uns de ses amis entendirent par la cheminée que la Galand disoit : « Ôtez-moi ma robe, je lui veux aller donner des coups de bâton. » Lui, sans s’émouvoir autrement, fit apporter des verges. « Si elle vient, leur dit-il, vous verrez beau jeu. »

Quand Camus fut mis en prison pour vingt-deux mille livres, la présidente pesta terriblement : « Le beau-frère d’un président au mortier, le laisser mener en prison comme cela ! » disoit-elle. Le Cogneux répondoit à ceux qui lui en parloient : « On ne l’a fait qu’à cause que cet homme vit mal avec moi ; mais que ma femme m’en prie, et je le ferai sortir dans deux heures. »

  1. Cette Garnier est celle qui a fait le mariage. (T.)