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homme de fortune, et elle fille d’un notaire[1] : elle pouvoit avoir deux ans plus que lui ; mais, hors qu’elle est trop grosse, elle n’étoit point mal faite et n’avoit point eu d’enfants[2]. Il eut un rival, c’étoit Cossé, cadet de Brissac, qui, faisant l’offensé, prit la campagne avec la résolution de tuer Le Cogneux, s’il ne lui donnoit dix mille écus ; il disoit que ce n’étoit pas par avarice, et qu’il les donneroit aux pauvres, mais seulement pour punir l’outrecuidance de ce bourgeois. Le Cogneux, d’un autre côté, se mit dans la garde du parlement, et ne marchoit qu’avec escorte. Tout le monde accuse le maréchal de La Meilleraye de cette extravagance, car, comme nous verrons ailleurs, ce fut lui qui fit bailler au Plessis-Chivray vingt mille écus par madame de La Basinière ; mais il y avoit bien de la différence, car il y avoit quelque chose d’écrit, et ici celle que Cossé prétendoit étoit mariée. Le père disoit que quand il auroit donné des coups de bâton au maréchal, il ne seroit pas en si grand danger, que seroit le maréchal s’il l’avoit touché du bout du doigt. Cette fois le maréchal avoit trouvé des gens aussi fous que lui. On dit qu’en ce temps-là cinq ou six officiers aux gardes, tous enfants de Paris, prirent la querelle de Le Cogneux, mais que Cossé ne voulut pas leur faire l’honneur de tirer l’épée avec eux. Ils en firent

  1. Ce notaire s’appeloit Le Camus. (T.)
  2. Elle alla au conseil à M. le président de Nesmond, qui aimoit son mari, pour savoir qui elle épouseroit de M. de Maisons, ou de M. Le Cogneux. « Ne venez-vous point ici, lui dit-il, madame, après avoir pris votre résolution ? — Non, monsieur. — Si cela est, reprit-il, M. de Maisons est bien mieux votre fait. — Mais M. de Maisons a des enfants, dit-elle en l’interrompant. — Oh ! je vois bien que votre résolution est prise. » Et n’en voulut plus parler. (T.)