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à l’édit[1]. Pour cela il falloit coucher assez souvent à sa maison. Le matin il partoit à quatre heures avec sa Présidentelle, alloit au Palais, et retournoit dîner à Saint-Cloud ; et elle, tandis qu’il étoit au Palais, s’alloit habiller au logis. On ne sauroit trouver une plus généreuse belle-mère ; elle a fait faire aux enfants de son mari tous les avantages qu’ils pouvoient souhaiter, encore qu’elle eût une fille et un fils.

Il aimoit les fêtes comme un écolier, et étoit assez las de son métier de président. Étant travaillé d’une courte haleine, il alla bâtir une grande maison au bout du Pré-aux-Clercs pour avoir un grand jardin où se promener, comme on lui avoit ordonné de respirer l’air tout à son aise. À ce bâtiment on verra bien qu’il y avoit quelque chose qui n’alloit pas bien dans sa tête. On disoit en riant : « N’a-t-il pas raison ? car il y a une si longue traite de Paris à Saint-Cloud, qu’il faut bien se reposer en chemin. » Pour lui, il disoit : « Je n’ai affaire qu’à deux sortes de gens, aux plaideurs, qui me viendront chercher en quelque lieu que je sois : ne voilà-t-il pas une grande discrétion ? et à mes amis, qui iroient bien plus loin pour me voir. » Un jour que Ruvigny dînoit chez lui, il le tire à la fenêtre et lui dit : « Vous ne sauriez croire combien je suis sujet aux vertiges ! »

Son fils aîné étant reçu en survivance, épousa la veuve d’un secrétaire du conseil, nommé Galand,

  1. La chambre de l’édit étoit mi-partie, et composée de magistrats catholiques et réformés. Les causes des protestants étoient portées à cette chambre. Ces chambres cessèrent d’exister dès avant la révocation de l’édit de Nantes.