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Quand il peignoit les gens il leur laissoit faire tout ce qu’ils vouloient ; quelquefois seulement il leur disoit : « Tournez-vous. » Il les faisoit plus beaux qu’ils n’étoient, et disoit pour raison : « Ils sont si sots qu’ils croient être comme je les fais, et m’en paient mieux. »

Il avoit peint M. de Gordes, capitaine des gardes-du-corps, par le commandement du feu Roi : « Autrement, disoit-il, je ne m’y fusse jamais résolu, car il est trop laid. » Il l’appeloit le cadet du diable.

Une fois qu’il étoit chez M. d’Orléans, Du Pleix, l’historiographe, y vint ; M. d’Orléans lui fit des complimens sur son histoire[1]. « Il n’y a, dit Du Pleix, que cet homme-là, montrant Du Moustier, qui soit mon ennemi. — Votre ennemi ! répondit Du Moustier ; vous ne m’avez fait ni bien ni mal. À la vérité, je ne saurois souffrir qu’étant créature de la reine Marguerite, vous la déchiriez comme vous faites ; puis, elle est de la maison royale : si j’avois du crédit en France, je vous ferois châtier. Et puis, vous allez dire qu’autrefois en France tous les hommes étoient sodomistes, et ne se marioient qu’après s’être lassés de garçons ! »

Il avoit mis sous le portrait de mademoiselle de Rohan : La princesse Gloriette, et sous celui du comte de Harcourt : Le parangon des princes cadets ; au bas de celui d’une madame de la Grillière, il avoit écrit : « Elle n’a oublié qu’à payer. »

Vaillant, peintre flamand, natif de Lille, qui peint au crayon comme lui, à celles qui ne le payoient pas,

  1. M. de Bassompierre, dans la Bastille y avoit fait des remarques de bien des impertinences. (T.)