Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cheur, sur la matière de l’Eucharistie, et il les avoit peints, et un autre aussi nommé Daillé. Du Moustier n’étoit catholique qu’à gros grains.

Il avoit un petit cabinet séparé plein de postures de l’Arétin. Outre cela il savoit toutes les sales épigrammes françoises. J’ai vu un de ses cousins germains à Rome, du même métier, qui savoit aussi mille vers comme cela.

Il n’aimoit pas plus les médecins que les Jésuites, et il les appeloit les magnifiques bourreaux de la nature.

Le premier président de Verdun[1] désira de le voir ; un de ses amis le voulut mener. « Je ne suis ni aveugle ni enfant, j’irai bien tout seul, » répondit-il. Il y va ; le premier président donnoit audience à beaucoup de monde ; enfin, il dit : « J’ai mal à la tête. » On fit donc sortir tout le monde ; il n’y eut que Du Moustier qui dit qu’il vouloit parler à monsieur le premier président qui avoit souhaité de le voir ; il vient et avoit fait dire que c’étoit Du Moustier. Le premier président lui dit : « Vous, M. Du Moustier ! Vous êtes un homme de bonne mine pour être M. Du Moustier ! » Lui regarde si personne ne le pouvoit entendre, et, s’approchant de M. de Verdun, il lui dit : « J’ai meilleure mine pour Du Moustier que vous pour premier président[2]. — Ah ! cette fois-là, dit le président, je reconnois que c’est vous. » Ils causèrent deux heures ensemble le plus familièrement du monde.

  1. Nicolas de Verdun, premier président du Parlement de Paris avoit succédé à Achille de Harlay. Il mourut le 16 mars 1627.
  2. Verdun avoit la bouche de côté.