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de grand-maître de la garde-robe (je pense qu’on lui avoit donné celle-ci au lieu de celle de capitaine des gardes-du-corps). Le cardinal ne vouloit pas qu’autre que Cinq-Mars l’eût. En effet, M. d’Aumont, frère aîné de Villequier, aujourd’hui maréchal d’Aumont, ne put y être reçu, quoiqu’il eût de bonnes paroles du Roi.

Au commencement, M. de Cinq-Mars faisoit faire débauche au Roi. On dansoit, on buvoit des santés. Mais comme c’étoit un jeune homme fougueux et qui aimoit ses plaisirs, il s’ennuya bientôt d’une vie qu’il n’avoit prise qu’à contre-cœur. D’ailleurs La Chesnaye, premier valet-de-chambre, qui étoit son espion, le mit mal avec le cardinal, car il lui disoit cent bagatelles du Roi que l’autre ne lui disoit point, et que le cardinal vouloit qu’on lui dît. Cinq-Mars, devenu grand-écuyer[1] et comte de Dampmartin, fit chasser La Chesnaye, mais aussi la guerre fut déclarée par ce moyen entre le cardinal et lui.

Nous avons dit comme le Roi l’aimoit éperduement. Fontrailles racontoit qu’étant entré une fois à Saint-Germain fort brusquement dans la chambre de M. le Grand, il le surprit comme il se faisoit frotter depuis les pieds jusqu’à la tête d’huile de jasmin, et, se mettant au lit, il lui dit d’une voix peu assurée : « Cela est plus propre. » Un moment après on heurte, c’est le Roi. Il y a apparence, comme le dit le fils de feu L’Huillier, à qui on contoit cela, qu’il s’huiloit pour

  1. On avoit obligé M. de Bellegarde à prendre quelque petite récompense de cette charge, et pour cela il eut permission de revenir à la cour. (T.)