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soit : « Je pense que tels et tels sont bien aises de mon édit des duels. » Il se railloit de ceux qui ne se battoient pas au même temps qu’il faisoit une déclaration contre ceux qui se battoient. Il avoit quelque chose de hobereau, car il croyoit qu’il y alloit de son honneur qu’un sergent entrât chez lui, et il en vouloit faire battre un qui étoit venu remplir sa charge dans la cour de Fontainebleau, pour dette sans capture. Mais un conseiller d’État qui se trouva là lui dit : « Mais, Sire, il faudroit savoir au nom et en l’autorité de qui il fait cela. » On apporte les pièces : « Eh, Sire, lui dit-on, c’est de par le Roi, et ces gens-là sont des ministres de votre justice. » Philippe II, roi d’Espagne, ordonna que les sergents entreroient dans toutes les maisons des grands, et depuis cela on leur porte respect partout.

On l’a reconnu avare en toutes choses. Mézerai lui présenta un volume de son Histoire de France. Le Roi trouva le visage de l’abbé Suger à sa fantaisie ; il en fit le crayon sans rien dire. Bien loin de rien donner à l’auteur, il raya après la mort du cardinal toutes les pensions des gens de lettres, en disant : « Nous n’avons plus affaire de cela. »

Depuis la mort du cardinal, M. de Schomberg lui dit que Corneille vouloit lui dédier la tragédie de Polyeucte. Cela lui fit peur, parce que Montauron avoit donné deux cents pistoles à Corneille pour Cinna[1]. « Il n’est pas nécessaire, dit-il. — Ah ! Sire, reprit

  1. D’autres ont dit mille pistoles (Journal de Verdun, juin 1707, p. 410). Le chiffre donné par Tallemant est plus vraisemblable. La pistole valoit alors onze livres, ce qui équivaut à vingt-quatre francs d’aujourd’hui.