Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à la Reine avec des révérences ; et c’est assez dire à une Reine. On l’appeloit le beau d’Esgvilly. Le cardinal l’éloigna parce que c’étoit un garçon qui ne craignoit rien. Il avoit nargué le grand-maître en cajolant madame de Chalais, sous sa moustache. C’étoit un homme froid. Il avoit une galère, et, après avoir fait des merveilles au combat qui se donna auprès de Gênes, à la naissance de M. le dauphin, où il fit des protestations contre Le Pont de Courlay qui ne vouloit pas donner, il reçut un coup de mousquet dans le visage qui le défiguroit tout. Il ne voulut plus vivre, et ne souffrit pas qu’on le pansât.

La Reine, à ce que dit le Journal du cardinal, s’étoit blessée pour avoir mis un emplâtre, avant que d’être grosse de Louis XIV[1]. Le Roi couchoit fort rarement avec elle. On appeloit cela mettre le chevet, car la Reine n’en mettoit point pour l’ordinaire. Il dit, quand on lui vint annoncer que la Reine étoit grosse : « Il faut donc que ce soit d’un tel temps. » Pour une pauvre fois, il prenoit quelque rafraîchissement et on le saignoit souvent. Cela ne servoit pas à sa santé. J’oubliois que son premier médecin, Hérouard, a fait plusieurs volumes qui commencent depuis l’heure de la naissance du Roi jusqu’au siége de La Rochelle, où vous ne voyez rien sinon à quelle heure il se réveilla, déjeûna, cracha, pissa, etc.[2].

  1. Voici le passage : « Madame Bellier a dit au sieur cardinal en grandissime secret, comme la Reine avoit été grosse dernièrement, qu’elle s’étoit blessée ; que la cause de cet accident étoit un emplâtre qu’on lui avoit donné pensant faire bien. Depuis Patrocle m’en a dit autant et le médecin ensuite. » (Journal du cardinal de Richelieu, 1648, petit in-12, première partie, p. 53 ; Mai, 1632.)
  2. La Ludovicotrophie, ou Journal de toutes les actions et de la