Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 2.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de cœur, mais laid et rousseau, furent éloignés l’un après l’autre par la Reine-mère. Enfin M. de Luynes vint ; nous en avons parlé ailleurs, et de Desplan aussi. Nogent-Bautru, capitaine de la porte, n’a jamais été favori, à proprement parler ; mais il étoit bien dans l’esprit du Roi avant que le cardinal de Richelieu fût son ministre. Il y a beaucoup gagné[1]. Nous parlerons des autres à mesure qu’ils viendront.

Le feu Roi ne manquoit pas d’esprit ; mais, comme j’ai remarqué ailleurs[2], son esprit tournoit du côté de la médisance ; il avoit de la difficulté à parler[3], et, étant timide, cela faisoit qu’il agissoit encore moins par lui-même. Il étoit bien fait, dansoit assez bien en ballet, mais il ne faisoit jamais que des personnages ridicules. Il étoit bien à cheval, eût enduré la fatigue en un besoin, et mettoit bien une armée en bataille.

Le cardinal de Richelieu, qui craignoit qu’on ne l’appelât Louis le Bègue, fut ravi de ce que l’occasion s’étoit présentée de le surnommer Louis-le-Juste. Cela

  1. Le comte de Nogent, capitaine des archers de la porte, frère de Bautru, dans l’Historiette duquel Tallemant aura occasion de reparler de Nogent. Ménage confirme à son sujet ce qu’avance ici Tallemant ; car il dit « qu’il arriva à Paris n’ayant que huit cent livres de rente, et qu’il en avoit cent quatre-vingt mille lorsqu’il mourut. Le premier jour qu’il parut à la cour, il porta le Roi sur ses épaules pour le passer par un endroit où il y avoit de l’eau. C’étoit aux Tuileries. » (Ménagiana, édit. de 1762, t. I, p. 41.)
  2. Précédemment dans l’Historiette du cardinal de Richelieu.
  3. M. d’Estambon est fort bègue. Le Roi, la première fois qu’il le vit, lui demanda quelque chose en bégayant. Comme vous pouvez penser, l’autre lui répondit de même. Cela surprit le Roi, comme si cet homme eût voulu se moquer de lui. Voyez quelle apparence il y avoit à cela, et si on n’eût assuré le roi que ce gentilhomme étoit bègue, il l’eût peut-être fait maltraiter. (T.)