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épouser l’aînée de La Roche-Posay, qui étoit un peu sa parente. Mais elle mourut bientôt. Sans cela, le cardinal eût soutenu cet homme, qui, faute de conduite et d’appui, donna du nez en terre et fit banqueroute. Il avoit connoissance avec le maréchal de La Meilleraye. Cela fut cause qu’il se retira en Bretagne chez M. le duc de Brissac, et il se mit aux bonnes grâces du duc et de la duchesse. Ce fut là que mademoiselle de Brissac, qui jusqu’alors s’étoit piquée d’une grande pruderie, trouva cet homme à son goût, et l’aima si éperdument, qu’on a dit qu’elle lui tiroit ses bottes. Elle l’épousa en cachette[1]. Le bruit en courut quelque temps, mais il s’apaisa jusqu’à la mort de Sabattier, qu’elle prit le deuil. Le maréchal de La Meilleraye dit qu’il ne le souffriroit pas. Elle lui répondit que si on recherchoit de qui il venoit, on ne trouveroit pas que sa sœur eût épousé un homme de meilleure maison que M. Sabattier.

Depuis, un parent du maréchal de La Meilleraye, La Porte Vezins, gentilhomme de huit mille livres de rentes, l’a épousée. Il faut qu’il ait bien su qu’il y avoit quelque si, puisqu’on lui donnoit une fille de cette qualité, ou il se prend bien pour un autre. Elle n’en est pas moins fière. À Angers, plusieurs dames de qualité ayant des fauteuils au bal, elle s’assit sur le dos du sien pour être plus haut que les autres, et le lendemain elle y fit apporter un tapis et un carreau, comme auroit pu faire la Reine.

La troisième sœur a épousé M. de Biron. Celle-ci est bien faite ; elle s’est divertie avant que d’être ma-

  1. Il y a un couplet du chevalier de Rivière. (T.)