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Chalusset, vouloit faire aussi le petit tyranneau au bal quand le grand-maître n’y étoit pas. Il fit une assemblée au château, et, pour se parer, il avoit mis un hausse-col, et ne faisoit danser que ceux de la cabale de la gouvernante, sa femme. Il y avoit une autre cabale à Nantes, qu’on appeloit vulgairement le fretin, dans laquelle pourtant étoient les plus jolies de la ville. Cette pauvre cabale ne faisoit que regarder les autres. Enfin un gentilhomme nommé Bois-Yvon[1], qui avoit ses inclinations dans le fretin, prit sa dame par la main, et, de concert avec elle, comme M. le gouverneur alloit prendre une dame pour danser, ils l’arrêtèrent, et, se mettant à genoux, lui chantèrent tous deux ce couplet :

Qu’il plaise à votre hausse-cou,
Monsieur, d’avoir pitié de nous,
Landrirette,
Le fretin vous crie merci,
Landriri.


Le couplet achevé, ils se mettent à danser, laissant

  1. Bois-Yvon, comme on lui parla de Dieu, dit : « Dieu est si grand seigneur et moi si petit compagnon ! Nous n’avons jamais eu de communication ensemble. » Ce Bois-Yvon étoit un homme persuadé de la mortalité de l’âme, et quand on lui voulut parler de se confesser, il s’en moqua, et dit qu’il lui restoit trente sous qu’on donneroit à des porteurs, qui, dans leur chaise, le porteroient à la voirie. Il mourut ainsi, et on n’en put obtenir autre chose. Étant malade, je ne sais quel jeune moine lui parloit de Dieu : « Frère jeune, lui dit-il, ne me parlez point tant de Dieu, vous m’en dégoûtez. » Desbarreaux lui amena un confesseur : « Il n’est pas de ma croyance, » dit-il ; il lui dit aussi : « Faire ce que vous dites n’est pas de la vie que j’ai faite, et ce que vous faites n’est pas de la vie que vous menez. » (T.)