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LE DUC DE BRÉZÉ[1].


Le duc de Brézé fut élevé par les soins du cardinal de Richelieu. Il n’avoit pas un grand esprit ; il étoit timide et embarrassé. Il ne laissoit pas pourtant d’être glorieux, et il se tenoit découvert tout le matin afin qu’on ne se couvrît pas. Le cardinal de Richelieu, en le voyant, haussoit les épaules, et disoit à madame d’Aiguillon : « Ma nièce, quel successeur ! » Il étoit brave cependant et libéral ; il donnoit beaucoup à sa sœur. Benserade avoit trois mille livres de pension de lui.

Avant que d’aller à Orbitello, où il fut tué en sa charge d’amiral, il voulut voir de quoi on paieroit ses créanciers s’il mouroit, et s’étant satisfait sur cela, il partit content. On trouva après sa mort qu’il donnoit près de cinquante mille livres tous les ans. Son précepteur, l’abbé d’Aubignac[2], en a eu pour récompense quatre mille livres de pension viagère. M. le Prince les lui a disputées, et le pauvre abbé n’en jouit que depuis que ce héros est hors de France ; il s’est accommodé avec les économes.

Le malheur du duc de Brézé fut d’avoir trouvé Du Dognon[3], qui l’empauma de telle sorte qu’on pou-

  1. Armand de Maillé Brézé, duc de Fronsac, amiral de France, né en 1619, tué au siége d’Orbitello, le 14 juin 1646.
  2. Auteur de la Pratique du théâtre.
  3. Second fils de Saint-Germain Beaupré. (T.)