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le bon archevêque, déguisé en paysan, l’attendoit dans les bois. Je ne sais pas ce qu’ils y faisoient avant que d’aller ensemble au marché. Une fois qu’on trouva à propos de la faire retirer avec ses religieuses dans une ville à cause des ennemis, elle se retira à Châlons, où elle fit galanterie avec le comte de Nanteuil. Cela fit un scandale ; on la mena dans l’abbaye d’une de ses tantes, et de là à Paris, où elle mourut.

La princesse palatine Anne fut quelque temps à Avenet, et ce fut là que M. de Guise[1] en devint amoureux. Il y a bien fait des folies : quelquefois il avoit jusqu’à soixante bouts de plume sur son chapeau, tout archevêque qu’il étoit. Un jour, comme on lui eut apporté une houppe pour se friser, il la trouva belle : « Faisons-en, » dit-il à la princesse Anne et à sa sœur ; « faisons-en, » répondirent-elles. On envoie à Reims, on n’y trouve point de soie plate : « Envoyons à Paris. » On crève un cheval, et on apporte pour cent écus de soie ; mais quand elle arriva cette fantaisie leur étoit passée.

Par je ne sais quelle vision ils ont couché, la princesse Anne et lui dans le parloir, la grille entre deux. Ce fut à l’hôtel de Nevers qu’il l’épousa[2]. Comme elle l’alloit trouver elle fut arrêtée par le comte de Tavan-

  1. Les deux sœurs et lui firent une fois mourir, sans y penser, une pauvre fille innocemment à Avenet. Il prit une vision à la princesse Anne d’aller trouver cette fille à son lit avec un cierge, et l’exhorter à la mort. Cela la saisit, et comme on disoit en riant : La voilà qui va passer, elle passa effectivement. (T.)
  2. Elle dit un jour à un homme d’église, chanoine de Reims, qui les avoit mariés dans la chapelle de l’Hôtel de Nevers : « N’est-il pas vrai que M. de Guise est mon mari ? — Ma foi ! madame, lui dit ce bon homme, vous fûtes aussi aise que s’il y eût eu mariage. » (T.)