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de pareils à madame de Montausier et à madame de Choisy, sa bonne amie et sa correspondante ; elle lui fait de temps en temps quelque régal. Quelques filles qu’elle fut obligée de renvoyer n’eurent que cent écus chacune ; elle avoit pourtant reçu assez de présents pour leur donner davantage : mais on l’accuse d’être un peu avare. En ce pays-là les reines ont beaucoup de profits, car quiconque obtient une charge, ne l’obtient guère que par l’entremise de la Reine, et après, lui fait quelque présent d’importance ; puis il y a une province destinée pour leur entretien. On dit qu’elle retrancha dans sa maison pour sept mille écus de poivre par an.

Quand cette dame d’honneur fut dehors, le Roi, quoique vieux et ventru, ne laissa pas d’en cajoler d’autres. La Reine avoit mené avec elle, entre autres filles, une petite de Mailly, fille du comte de Mailly et de la duchesse de Croy, dont il étoit mari de conscience. On l’appeloit en riant la petite duchesse de Croy. Elle étoit parente au cinquième degré de la reine de Pologne du côté de M. de Mailly. Madame de Schomberg, autrefois mademoiselle d’Hautefort, sa parente, l’habilla et la mit en équipage, car la duchesse de Croy étoit fort pauvre ; elle avoit quatorze à quinze ans, et étoit assez jolie et adroite ; pour l’esprit, vous allez voir ce que c’étoit. Le Roi s’avisa de lui vouloir dire quelques douceurs : « Sire, lui dit-elle, il y a là quelque chose de plus obscur pour moi que le polonois. — Vous entendez bien pourtant, lui dit-il, ce que vous dit un tel (c’est un gentilhomme polonois avec qui on l’a mariée depuis) ? — Je crois bien, Sire, répondit-elle, c’est un particulier ; mais il faut être reine pour entendre le langage des rois. Si Votre Majesté me le