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mée du Roussillon, alla pour ouvrir les cassettes de M. le Grand, un valet-de-chambre l’avertit qu’il y trouveroit ce qu’il ne cherchoit pas : c’étoient des lettres de sa femme.

On a remarqué que jamais personne n’a eu tant de hausses qui baissent[1] dans sa vie que la princesse Marie ; en voici une belle preuve. Le feu roi de Pologne avoit déjà pensé à elle la première fois qu’il se maria ; mais ses intérêts le firent pencher vers la maison d’Autriche. Se voyant veuf, il y pensa tout de nouveau, et quoique l’Empereur lui eût fait envoyer jusqu’à seize portraits de princesses de la maison d’Autriche, il ne put être ébranlé. Il fait donc demander la princesse Marie en mariage : on la lui accorde ; et la reine, qui avoit assez d’amitié pour elle, la maria comme fille de France. On prit ses droits, et on lui donna pour cela quatre cent mille écus[2]. L’ambassade des Polonois fut magnifique, et leur habit extraordinaire servit bien à faire admirer leur pompe.

La princesse fut mariée dans la chapelle du Palais-Royal ; de là, avec sa couronne sur la tête, elle voulut aller dire adieu à madame de Rambouillet, qui m’a dit qu’elle n’avoit jamais rien vu de si opposé que le jour où elle la vit si déconfortée, et celui-ci, où elle la

  1. Tant de hauts et de bas.
  2. Un extravagant Italien, nommé Promontorio, qui se mêloit de deviner et aussi de vendre des chiens de Bologne et bien d’autres choses, lui vendit un fort beau chien cinquante pistoles à payer quand elle seroit reine. Il n’y avoit alors nulle apparence. Elle l’eût acheté à cette condition cinquante mille écus. Au bout d’un an et demi elle fut reine, et lui paya volontiers ses cinquante pistoles. Voilà un grand hasard. (T.)