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je le croyois, mais cela n’étoit pas ; sur cela il m’envoie son beau-frère de Barré, qui y alloit à la bonne foi : pour sa femme, elle m’a juré depuis que, comme elle étoit persuadée que cela manqueroit, elle les avoit laissé faire. M. de Barré vient me demander si je pensois à acheter cette maison, et si elle étoit à vendre ; je dis que je l’avois ouï dire et que je ne songeois pas à l’acheter. « Puisque cela est, me dit-il, un de vos amis, mais qui ne veut point être nommé, y pourra penser. — Monsieur, lui dis-je, j’aime mieux que ce soit un de vos amis qu’un autre ; j’y aurois pourtant du regret. » Je ne fis semblant de rien, mais je découvris bientôt que Conrart avoit engagé Barré à acheter cette maison en commun. Sur cela, comme je ne cherchois qu’une occasion de rompre avec lui, je pris celle-là ; et après m’être plaint doucement de la finesse qu’il m’avoit faite, et de ce qu’au lieu de détourner les marchands il se présentoit lui-même, je ne le vis plus depuis.

N’ayant pu avoir cette maison qui lui eût pu servir de maison des champs et de maison de ville, il en acheta une à Athis dont mademoiselle de Scudéry parle tant dans la Clélie ; là il se fait mainte belle chose. Un jour, il ne l’avoit pas encore tout-à-fait meublée, il trouva dans la salle une belle tenture de cuir doré toute tendue ; on a su depuis que c’étoit le frère aîné de sa femme qui, pour ne lui avoir point d’obligation de la nourriture d’un de ses fils qui avoit été chez lui assez long-temps, avoit fait cette galanterie, qui est trop fine pour un marchand du Pays-Bas. Mais il le lui faut pardonner ; ce n’est pas un homme à avoir deux fois en sa vie de telles pensées : c’est un grand avare,