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sent été. Il en fut affligé de bonne heure, et de bien d’autres maux, sans en être moins enluminé ; en sorte que c’est un des hommes du monde qui souffre le plus. Son ambition a fait une partie de son mal ; car il a cabalé la réputation de toute sa force, et il a voulu faire par imitation, ou plutôt par singerie, tout ce que les autres faisoient par génie[1]. A-t-on fait des rondeaux et des énigmes ? il en a fait ; a-t-on fait des paraphrases ? en voilà aussitôt de sa façon ; du burlesque, des madrigaux, des satires même, quoiqu’il n’y ait chose au monde à laquelle il faille tant être né. Son caractère c’est d’écrire des lettres couramment ; pour cela il s’en acquittera bien, encore y a-t-il quelque chose de forcé : mais s’il faut quelque chose de soutenu ou de galant, il n’y a personne au logis. On le verra s’il imprime, car il garde copie de tout ce qu’il fait ; il ne sait rien et n’a que la routine[2].

Il voulut faire un discours sur l’histoire à l’Acadé-

  1. Malleville disoit « qu’il lui sembloit que Conrart allât criant, par les rues : « À ma belle amitié ! qui en veut, qui en veut de ma belle amitié ? » À propos de cela, il demanda des devises à plusieurs de ses amis sur l’amitié et les fit enluminer sur du vélin. Madame de Rambouillet en donna une dont le corps étoit une vestale dans le temple de Vesta, qui attisoit le feu sacré, et le mot étoit fovebo. Elle le fit en françois, et M. de Rambouillet le tourna en latin. (T.)
  2. Tallemant, dans cet article, montre de la rancune contre Conrart, avec lequel il étoit brouillé, après avoir été son ami. Conrart n’est pas un écrivain remarquable ; mais c’étoit un homme patient, auquel les lettres doivent de la reconnoissance. Il a conservé une foule de pièces qui auroient péri s’il ne les eût pas recueillies. Une partie de ses manuscrits est conservée à la Bibliothèque de l’Arsenal. C’est là que l’un des éditeurs a retrouvé les Mémoires de Conrart, insérés dans le tome 48 de la deuxième série des Mémoires relatifs à l’histoire de France.