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lement si le bonhomme avoit du pain. Le chancelier, cette fois, fit l’honnête homme, car de Saint-Germain il eut soin de lui faire payer sa pension. Gombauld l’en remercia en vers, et c’est une des meilleures choses qu’il ait faites. Pour moi, je le sers de tout mon cœur, car je sais que toutes les grimaces qu’il fait ne viennent que d’un bon principe, qu’il a du cœur et de l’honneur, et ne feroit pas une lâcheté pour sa vie. C’est un homme à sécher auprès d’un sac d’argent qu’on lui auroit mis sous son chevet, s’il croyoit qu’on le prend pour un gueux.

Il se plaint sans cesse, et quelquefois de bagatelles, car il a une grande santé. Il m’a conté vingt fois, comme une adversité terrible, que la pluie l’avoit pris en revenant de chez M. Conrart.

M. de Châteauneuf ayant eu les sceaux, sa pension sur le sceau fut rétablie à la prière de mesdames de Chaulnes-Villeroy, Rhodes, Bois-Dauphin et Leuville[1]. Il fut fort empêché comment les louer toutes les quatre : « On dira, disoit-il, que c’est un quatorze de dames[2]. »

Ce fut Conrart qui l’avertit que le trésorier du sceau avoit de l’argent à lui donner de la part de M. de Châteauneuf : il y fut. Conrart lui demanda : « Hé bien ? — Ce trésorier brutal, répondit-il, m’a voulu faire accroire que je ne savois pas écrire. Il m’a dit… — Mais avez-vous touché ? — Il n’y a que moi qu’on traite ainsi !… — Mais avez-vous touché ? » On

  1. Bensserade y eut beaucoup de part. (Voyez l’article sur Benserade.)
  2. Expression du jeu de piquet.