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Cette pension de douze cents écus dont il a été parlé ci-dessus ne lui fut pas toujours continuée ; dès le temps de la Reine-mère même on lui en retrancha quelque chose, nonobstant la ressemblance avec cet amant florentin. Après l’éloignement de la Reine il lui dédia l’Amaranthe[1], et la lui envoya. « Ah ! dit-elle, je savois bien que celui-là ne m’oublieroit pas. » Madame de Rambouillet lui fit un soir une malice à propos de cette pièce : elle lui manda qu’elle l’iroit prendre pour le mener souper en ville. Elle le mena chez madame de Clermont, et après souper on le conduisit dans une salle où des petits enfants jouoient l’Amaranthe. Il pensa mourir, car il n’y a pas d’homme si délicat sur ces sortes de choses, et il vérifia le proverbe qui dit : Il enrage comme un poète dont on récite mal les vers.

Il est grand et droit et a assez de cheveux ; quoique vieux, il a encore bonne mine ; il est vrai qu’étant un peu ridé, il a tort de ne porter qu’un filet de barbe, cela est cause que dans la comédie de l’Académie il y a :

Gombauld, pour un châtré, ne manque point de feu.

Il eut huit cents écus du feu Roi, après l’éloignement de la Reine ; mais, quand la guerre fut déclarée, on ne paya plus de pensions poétiques. Il étoit dans une nécessité extrême, et n’en témoignoit rien. Par

  1. Amaranthe, pastorale en cinq actes et en vers, avec des chœurs et un prologue, dédié à la Reine mère du Roi ; Paris, 1631, in-8o. (Voy. la Bibliothèque du Théâtre-François du duc de La Vallière, t. 2, p. 300.)