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faisoient madame et mademoiselle de Rambouillet et toute leur société, et comme Voiture en eut de la jalousie.

Peu à peu il se mit à travailler aux choses spirituelles, et il falloit qu’il y fût bien né, car je trouve qu’il a fait tout autre chose pour le Créateur que pour les créatures. Le Benedicite le mit en grande réputation auprès du cardinal de La Valette, et ensuite auprès du cardinal de Richelieu, pour qui il fit après cette ode que Costar a censurée. Ses ouvrages plaisoient si fort à Son Éminence, qu’on disoit chez lui, pour dire : Voilà qui est admirable : « Quand Godeau l’auroit fait, il ne seroit pas mieux. »

L’évêché de Grasse, en Provence, ayant vaqué, il le demanda. Le cardinal ne vouloit point trop qu’il le prît ; c’étoit trop peu de chose : il ne vaut que quatre mille livres ; il y joignit Vence de six mille livres dès qu’il le put, avec une pension de deux mille livres sur Cahors. M. Godeau négligea de faire faire l’union quand il le pouvoit, c’est-à-dire du vivant du cardinal, car c’est un des hommes du monde le plus diverti et qui pense le moins aux choses. Depuis, la communauté de Vence s’y est opposée, et les Jésuites lui ont fait tout le pis qu’ils ont pu, enragés de ce que l’assemblée du clergé l’avoit nommé pour faire l’éloge du Petrus Aurelius. C’est un livre de l’abbé de Saint-Cyran. Cela alla jusqu’à faire un libelle contre lui, où sa mine et sa petitesse étoient ce qu’on lui reprochoit le plus. Il fut assez sage pour ne point répondre. Enfin, il fallut traiter de Grasse[1] et garder Vence.

  1. Il paroît que Godeau proposa l’évêché de Grasse à Gombauld, qui étoit protestant. (Voyez l’article Gombauld.)