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humeur et son esprit ont servi à le faire passer partout ; car pour sa personne c’est une des plus contemptibles qu’on puisse trouver ; il est extraordinairement petit et extraordinairement laid.

Quand il étoit en philosophie, tous les Allemands de sa pension ne pouvoient vivre sans lui ; il chantoit, il rimoit, il buvoit, et avoit toujours le mot pour rire. Il étoit fort enclin à l’amour, et comme il étoit naturellement volage, il a aimé en plusieurs lieux. Il fut pourtant assez constant pour mademoiselle de Saint-Yon ; c’étoit une fille de bon lieu et bien faite, mais pauvre. Elle vouloit l’engager, elle se laissoit embrasser ; mais quelquefois elle étoit contrainte de sortir, à cause des saillies et des fureurs amoureuses qui prenoient à notre petit amant.

M. Conrart, son parent, et quelques-uns de ses amis, l’avoient comme retiré de cette amourette, quand les frères de la demoiselle firent une partie de promenade où on les mit tous deux à la portière, et il se renflamma plus que devant. Conrart dit qu’une fois, comme il étoit chez cette fille avec son parent, tout d’un coup, pour faire la jeunette, elle va dire : « Ah ! que je suis affligée ! maman m’a avertie que j’ai vingt et un ans, il faudra que je jeûne désormais. » Notez qu’elle avoit bien fait des péchés, si on offense Dieu en ne jeûnant pas dès qu’on a vingt et un ans. Enfin Godeau se guérit de son amour. En ce temps-là il eut entrée à l’hôtel de Rambouillet : j’ai dit ailleurs par qui il y fut introduit[1]. On voit par les lettres de Voiture le cas qu’en

  1. Par madame de Clermont d’Entragues, et par mademoiselle Paulet. (Voyez l’article de cette dernière.)