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doigts, soit aux côtes, soit au gosier deçà et delà, et les genoux sur l’estomac, il lui faisoit prononcer certaines lettres et les assembler pour demander les choses les plus nécessaires ; l’enfant sortoit tout en eau d’entre ses mains. Madame de Carignan fut si sotte que de chasser cet homme ; elle disoit qu’il étoit espion du roi d’Espagne auprès d’elle. Peut-être eût-il appris à parler à celui qui bégaie tant[1]. Elle disoit que l’aîné parloit comme elle ; or elle parloit comme quatre ; mais elle mentoit per la gola.

Elle vouloit qu’on donnât mademoiselle d’Alais, aujourd’hui madame de Joyeuse, au prince Eugène sans le déclarer héritier. C’est elle qui a fait mourir ce pauvre M. de Vaugelas à force de le tourmenter et de l’obliger à se tenir debout et découvert.




GODEAU,
ÉVÊQUE DE VENCE.


M. Godeau[2], qu’on a appelé long-temps M. de Grasse, et qu’on appelle aujourd’hui M. de Vence, est d’une bonne famille de Dreux. Il a eu trente mille écus de partage. Il a toujours été fort éveillé, et sa belle

  1. Il écrit en italien, et il a fort bien réglé sa maison. Il est amoureux, et sa maîtresse l’entendoit au mouvement des lèvres. (T.)
  2. Antoine Godeau, évêque de Vence, membre de l’Académie françoise, né vers l’an 1605, mourut en 1672.