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Feu madame la Princesse avoit recherché l’amitié de madame d’Aiguillon pour avoir la protection du cardinal, car elle craignoit que son mari ne la confinât à Bourges. Elle appeloit le cardinal de La Valette mon époux, et lui l’appeloit mon épouse. Mademoiselle de Rambouillet, depuis madame de Montausier, étoit admirablement bien avec elle, et y est encore, mais non pas avec tant de chaleur. Nous en parlerons ailleurs.

Il est temps de parler de son avarice et de sa dévotion. Elle ne daigna pas écouter ceux qui lui conseilloient de donner cinq cent mille livres à feu M. le Prince pour avoir sa protection. Il lui en coûta plus d’un million d’or à elle et à ses neveux. Elle a eu trois cents procès, et pas un en demandant. Sans parler de toutes les grivelées qu’elle a faites, je dirai simplement ses vilainies. Voyant Cornuel à l’extrémité, elle envoya emprunter six chevaux blancs qu’il avoit ; et quand il fut mort, et qu’on les lui revint demander, elle dit que les morts n’avoient que faire de chevaux. Le frère aîné de M. de Noailles disoit que, pour épargner son carrosse, toutes les fois qu’elle alloit à Ruel, elle prenoit un beau carrosse que le bon homme M. de Noailles avoit eu à Rome en son ambassade, et le renvoyoit toujours tout crotté. On a dit qu’elle avoit emprunté des jupes, et qu’au bord crotté on avoit reconnu qu’elle les avoit portées. Si cela lui fût arrivé un de ces jours qu’elle a rencontré le corpus Domini, cela eût été plaisant, car, quelque part qu’elle le trouve, elle le suit dans les crottes jusqu’au premier lieu où il se doit arrêter. Cela se fait en Espagne, et le Roi même le suit. Un Espagnol disoit cela à un Fran-