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le temps il parvint à être argentier de la maison. Cet homme est des plus naïfs. Madame de Rambouillet s’en divertissoit quelquefois, et quand elle savoit qu’il avoit été en quelque lieu, elle lui faisoit raconter ce qu’il avoit vu.

Quoique ce soit le meilleur homme du monde, il ne laisse pas d’aimer à voir les exécutions, et il disoit à sa mode « qu’il n’y avoit plus de plaisir à voir rouer, parce que ces coquins de bourreaux étrangloient aussitôt le patient, et que si on faisoit bien on les roueroit eux-mêmes. »

Une fois il fut à la Grève pour voir le feu de la Saint-Jean, et ne se trouvant pas bien placé à sa fantaisie, tout d’un coup il prend sa course, et se va planter sur le sommet de Montmartre ; après que tout fut fait, il retourne à l’hôtel. Madame de Rambouillet, qui sut qu’il avoit été voir le feu, le fit venir. « Eh bien ! maître Claude, le feu étoit-il beau ? — Ardez, madame, lui dit-il ; j’étois allé à cette Grève, mais je ne voyois pas bien, et il me vint dans l’esprit que je verrois bien mieux de Montmartre. J’ai pris mes jambes à mon cou, et j’ai été jusque là ; il y avoit belle place : j’ai vu le feu tout à mon aise. Croyez-moi, madame, que vous feriez bien de l’aller voir de là-haut ; on n’y perd pas une fusée. »

Il mena une fois un cheval de louage par la bride depuis le Roule jusques à Rouen, sans avoir l’esprit d’en venir quérir un autre, puisque celui-là le laissoit à pied de si bonne heure.

    prouve que cette partie de l’ouvrage a été écrite par Tallemant avant le mariage de mademoiselle de Rambouillet, qui eut lieu au mois d’avril 1645.