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LE BARON DE VILLENEUVE.


C’étoit un gentilhomme de Toulouse, parent du grand-maître de Malthe, de Paule. Il suivit le brave Givry à la guerre, et devant Laon, où Givry fut tué, il reçut un si grand coup de pistolet au visage, qu’il en perdit un œil, et ne voyoit guère clair de l’autre. Cela l’obligea à s’appliquer à l’étude. Il se faisoit lire : il avoit un homme pour le françois, un pour l’espagnol, et un autre pour l’italien, car il n’avoit jamais appris le latin.

Il se rendit avec le temps si savant dans ces trois langues, qu’il y avoit peu de gens qui les sussent mieux que lui, et qui eussent lu plus de choses. Le comte de Cramail[1] étoit de ses bons amis.

Il fut le premier ami de madame de Rambouillet, et elle dit qu’il lui a donné plusieurs fois de fort bons avis.

Étant à Paris pour un grand procès, il en prenoit tant de soin que ce fut par la voie de Toulouse qu’il apprit que son procès étoit perdu, et que sa partie avoit pris possession de la terre dont il s’agissoit.

Il étoit fort libéral, mais enfin il alla prendre la libéralité de travers, et bien d’autres choses aussi. Il se mit dans la tête, que faire labourer ses terres, c’étoit

  1. Adrien de Montluc, comte de Cramail, auteur de la Comédie des Proverbes, et d’un livre insipide intitulé : Les Jeux de l’Inconnu.