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que faire des autres gens. Henri IV l’envoya quérir, et lui manda que s’il avoit bien servi un petit prince, il serviroit bien un grand roi. Il fut envoyé en Espagne pour le traité de paix ; et, au retour, le Roi lui donna une charge de président au mortier, à Dijon ; voilà pourquoi on l’a toujours appelé depuis le président Jeannin. Il vendit cette charge, et en maria sa fille à Castille, receveur du clergé, à qui la princesse de Conti avoit fait quitter la marchandise : il tenoit les Trois Visages dans la rue Saint-Denis. Il falloit que ce fût un galant homme ; on dit qu’il mena un coche tout plein de ses voisins aux Pays-Bas à ses dépens, et qu’il fit si bien en achat de marchandises qu’il eut dix mille livres de bon de son voyage. Il faisoit tout chez la princesse de Conti. Jeannin donna à sa fille environ dix mille écus ; le plus gros mariage de Paris, en ce temps-là, étoit de soixante mille livres. La folie des Castille depuis cela a été grande, avec leur vision de venir d’un bâtard de Castille ; et ils ne sauroient nommer leur bisaïeul, ni dire qui il étoit.

Le président fut ensuite envoyé en Flandre[1], et après la mort de Henri IV il fut fait surintendant des finances pour la première fois. Barbin le fut après. M. de Luynes y remit le président, à qui succéda M. de Schomberg, et le bon homme se retira en Bourgogne, où il s’amusa à bâtir[2].

  1. Il fut chargé de missions très-importantes en Hollande de 1607 à 1609, et ce fut principalement à ses soins que les Provinces-Unies durent le traité de juin 1609.
  2. Jeannin a bâti le château de Montjeu, qui, du temps de Bussy Rabutin, appartenoit encore à la famille du président, comme on le voit dans les lettres du comte de Bussy.