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ne vous la pouvoir donner, et je vous prie de prendre en sa place mademoiselle Du Plessis-Chivray. » Le comte de Guiche, qui a toujours été bon courtisan, lui dit « que c’étoit Son Éminence qu’il épousoit, et non ses parentes, et qu’il prendroit celle qu’on lui donneroit. » Le cardinal l’avoit déjà fait mestre-de-camp du régiment des gardes, après la mort de Rambure.

Le maréchal de Gramont n’a été souple que pour les premiers ministres ; il a été assez fier pour tout le reste. Il alla à la vérité comme les autres voir Puy-Laurens, qui eut, au retour de Monsieur, six semaines du plus beau temps du monde. Cet homme faisoit le petit Dieu, et quand le comte de Guiche entra chez lui, le maréchal d’Estrées en sortoit qui ne s’étoit point couvert, quoique l’autre se fût toujours tenu couvert et assis. Il ôta à peine son chapeau de dessus sa tête et le coude de dessus sa chaise, pour le comte de Guiche. Il avoit le dos tourné au feu ; le comte, voyant cela, prend un fauteuil, qu’il met au dos du sien, et ayant le nez au feu, et les pieds sur les chenets, il se mit à lui dire : « Monsieur, vous vous levez bien tard, » et autres bagatelles semblables, et puis s’en alla quand il le trouva à propos. Puy-Laurens étoit de la Marche, bien gentilhomme ; il s’appeloit de L’Âge, d’où vient qu’on fait dire au cardinal de Richelieu une sotte pointe : « Si je vis, j’aurai de l’âge. » Puy-Laurens étoit un grand homme, mais de mauvaise grâce ; cependant, durant cette grande faveur, il paroissoit le mieux fait du monde à toutes les dames de la cour et de la ville.

Pour revenir au maréchal : M. le Grand l’ayant