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pas semblant, ni à la première ni à la deuxième fois, de s’en apercevoir. La Barre vit cela, et il juroit comme un enragé. Enfin, son mari la chassa ; elle se vantoit d’avoir été battue maintes fois. Elle demeuroit chez son père. Le mari mourut cinq ou six ans après, et, par son testament, il la fit tutrice par honneur, et en cela il fit sagement ; mais il lui donna un conseil nécessaire, le président Perrot et Bataille, avocat, sans lesquels elle ne pouvoit disposer de rien. Cela a été confirmé par arrêt.

Arnauld qui ne savoit plus de quel bois faire flèches, et dont M. le Prince n’avoit pas eu grand soin, l’épousa la nuit même du jour que M. le Prince avoit été arrêté. Il ne le sut qu’après avoir été épousé. La voilà, nonobstant la prison de M. le Prince, qui se fait appeler madame d’Arnauld, et qui prend des pages. Elle étoit à Paris quand son mari mourut ; elle dit cent sottises ; entre autres, comme on disoit : « Il n’a jamais eu le teint bon. — Hélas ! dit-elle, il a vécu jaune, et il est mort jaune. » Elle se consola bientôt. Au bout de trois mois, non contente de traiter souvent madame de Châtillon et autres, elle alloit en des maisons où il y avoit des violons et la comédie ; avec son bandeau de veuve, elle avoit des gants garnis de rubans de couleur et des bracelets de même. Elle jouoit des chandeliers rouges garnis d’argent, et disoit : « C’est pour ma toilette. » Quelle toilette de veuve à bandeau ! Elle étoit ravie de faire la camarade avec les grandes dames ; on se moquoit d’elle. Elle prit bientôt un galant : ce fut un des Puygarrault de Poitou, nommé Clairambault, dont nous parlerons assez dans les Mémoires de la régence. Il l’a ruinée. Pour