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prison, car ce fut lui qui eut l’adresse de négocier avec la Palatine[1], et c’est ce qui fut cause de la délivrance de M. le Prince. Cependant depuis il laissa périr misérablement Arnauld dans le château de Dijon.

Les lettres de Voiture et ses vers parlent fort souvent d’Arnauld ; c’étoit au moins le Racan de Voiture, en poésie burlesque. Pour de la prose, il n’y a qu’une pièce de lui qu’on appelle la Mijorade. On n’a rien imprimé de tout cela ; je le donnerai quelque jour[2].

À la fin de 1646, il fit une relation, qui est imprimée, de la campagne de cette année-là : elle est bien écrite. Je n’ai jamais vu qu’une lettre en prose de lui qu’on imprima dans la première édition de Voiture, croyant qu’elle fût de sa façon, c’est à madame de Rambouillet, en lui envoyant Polexandre[3] ; elle est prise tout de travers, et n’a que de faux brillants.

Arnauld a eu ses amours aussi bien que Voiture. Après Desbarreaux, ce fut le galant de Marion de l’Orme. On conte que, comme il étoit rêveur, et qu’il lui arrivoit souvent de dire les choses sans savoir pourquoi, et même sans les vouloir dire, un jour, quoiqu’il n’eût aucun soupçon d’elle, il lui dit : « Qui est-ce qui est sorti de céans à deux heures après minuit ? » Il ne savoit pourquoi il disoit cela. Marion se troubla à cette question : elle crut avoir été trahie, et il se trouva que Cinq-Mars, depuis M. le Grand, qui commençoit alors à faire galanterie avec elle, en étoit sorti

  1. Anne Gonzague, princesse palatine.
  2. Arnauld de Corbeville est l’auteur du madrigal de la Tulipe, dans la Guirlande de Julie.
  3. Roman de La Calprenède.